words :: Jean-Luc Brassard // photos :: Jean-Luc Brassard, Bernard Brault, Grant Gunderson, Tyler Roemer.
Il y a quelques années à peine, l’idée d’aller skier au Japon faisait sourciller bien des adeptes de la descente alpine. Situé loin des lucratifs marchés américain ou européen, pourquoi donc traverser de nombreux fuseaux horaires et passer près de 14 heures en vol pour se retrouver sur le populeux archipel nippon? La réponse : une neige abondante et exceptionnellement légère.
Le Japon est peut-être l’endroit urbanisé où il neige le plus sur la planète. Pourtant, s’il tombe quelques flocons sur la capitale Tokyo, celle-ci se retrouve quasi paralysée, alors qu’à peine 200 kilomètres plus loin, dans les montagnes qui l’entourent, les accumulations peuvent atteindre près de quinze mètres entre décembre et avril.
Le phénomène de ces surprenantes accumulations de neige est lié à une configuration atmosphérique et géographique quasi parfaite. D’abord, le courant-jet d’altitude qui tourne autour de la partie nord du globe se refroidit considérablement lorsqu’il survole la Sibérie, puis il plonge brusquement vers le sud-est en direction de la mer du Japon. Se gonflant d’humidité au passage de cette immense masse d’eau, il va se heurter par la suite à cette barrière naturelle que sont les hautes montagnes japonaises, littéralement perpendiculaires à la trajectoire de se vent dominant. Les nuages ainsi bloqués se délestent de leur précieuse cargaison de flocons à un rythme qui rappelle les plus beaux contes de notre enfance.
Une autre particularité d’un tel phénomène météorologique est le changement quasi horaire des conditions atmosphériques. De neige abondante à accalmie soudaine, suivie d’une percée de soleil éphémère avant le retour de la tempête ! Le choix d’un voyage de ski au Japon oblige à considérer le blizzard comme partie prenante de votre séjour sur les pentes au pays du soleil levant.
Ironiquement, une tragédie est en partie responsable de l’aventure du ski japonais. Au début des années 1900, la crainte d’un conflit avec la Russie voisine force l’entraînement de militaires en zone alpine. Quelque 210 soldats ont pour mandat de traverser les monts Hakkoda dans la partie septentrionale de l’île principale. Lors du périple, des mètres de neige accompagnée de vent violent et une température glaciale s’abattront sur les hommes. Seuls 11 d’entre eux, qui ont fait défection à l’autorité de la brigade, survivront à ce carnage.
Après coup, les dirigeants militaires japonais convoqueront la venue d’Européens pour apprendre l’art de skier, et ainsi grandement améliorer l’efficacité de l’armée lors de déplacements hivernaux.
Le ski venait ainsi de prendre racine au pays du soleil levant, et sa popularité allait devenir sans cesse croissante au point de propulser le Japon parmi les plus gros acteurs du marché de ski mondial.
Une débâcle financière a considérablement ralenti l’élan dont bénéficiait l’industrie du ski japonais au milieu des années quatre-vingt-dix. Avant ce ralentissement, cette période avait vu la naissance de plus de 500 centres de ski de toutes dimensions, surtout dans la partie nord de l’île principale appelée Honshu, ainsi que dans la préfecture d’Hokkaido qui est aussi une île en elle-même. Comme près des deux tiers du territoire nippon sont constitués de montagnes, un tel engouement pour la pratique du ski était naturel.
Aujourd’hui, l’industrie reprend de la vigueur, principalement autour de montagnes à la réputation bien établie. Les régions d’Hakuba et de Nozawa Onsen à proximité de la ville de Nagano, ainsi que celle de Niseko sur l’île d’Hokkaido, sont certainement les grandes gagnantes de ce nouvel engouement. Cette recrudescence de l’intérêt est due bien sûr au tourisme asiatique en croissance exponentielle, mais aussi au secteur niché du ski hors-piste dont les Nord-américains et Européens sont friands.
Longtemps les centres de ski japonais ont interdit la glisse à l’extérieur des pentes proprement dites, au point d’épier le bon comportement des skieurs à l’aide de surveillance vidéo. Heureusement, cette période est largement révolue, d’ailleurs les centres de ski ayant le mieux tiré leurs épingle du jeu ces dernières années, sont ceux qui ont rapidement laissé les skieurs profiter des invitantes forêts clairsemées, qui caractérisent une large part des montagnes de l’endroit.
Glisser en silence sur cette neige d’une légèreté mythique, sous les immenses bouleaux centenaires dont les branches sont couvertes d’un épais manteau blanc, voilà un plaisir difficilement descriptible qui laisse un souvenir indélébile. L’âme d’un périple de ski au Japon réside certainement dans ce type de terrain souvent situé tout juste au côté des pistes balisées.
Bien sûr, l’attrait de cette neige ensorcelante représente l’essence même d’un voyage au Japon. Par contre, au retour de celui-ci, sûrement allez-vous davantage parler de la gentillesse qui caractérise ce peuple, de la propreté et de l’organisation de cette société aux solides racines, mais aussi résolument avide de technologie. Vous ne pouvez ignorer le silence et le calme qui dominent le quotidien des grandes villes du pays, alors que les affiches criardes de couleurs meublent les devantures d’édifices urbains.
La gastronomie est aussi un plaisir coupable dans ce pays. Si les sushis sont les premiers mets qui vous viennent en tête en pensant au Japon, une fois sur place vous allez découvrir un monde de créations culinaires insoupçonnées. Les milliers de minuscules restaurants, parfois simplement composés de 4 ou 5 places nichées au coin d’une rue, sauront satisfaire même les plus difficiles. Comme les menus uniquement en japonais peuvent être difficiles à déchiffrer, nombreux sont les restaurants qui vont présenter en vitrine des plats plastifiés identiques à ce qu’on retrouve dans les assiettes servies au client.
Cette technique d’attrait visuel saura vous mettre l’eau à la bouche en exposant une image parfaite du plat qui vous sera présenté. Enfin, omettre d’écrire sur les onsens, ces bains d’eau sulfureuse dont les Japonais raffolent, serait un impair majeur. Comme le Japon est situé à la jonction de nombreuses plaques tectoniques, l’activité sismique y est omniprésente. Parmi les déclinaisons de cette dernière, les eaux chaudes qui jaillissent à la surface, auxquelles les Japonais attribuent des propriétés curatives. Qu’elles soient au fond d’une vallée ou canalisées dans une propriété, ces eaux sont propices à un moment de détente très apprécié des insulaires depuis la nuit des temps.
L’utilisation de ces bains est divisée homme/femme pour une raison bien simple, on s’y prélasse nu! La pudeur, principalement nord-américaine, rebute de nombreux visiteurs à s’offrir cette détente exceptionnelle. Le mode d’emploi est très simple, laisser ses vêtements dans un vestiaire dédié, prendre une douche assis sur un petit banc de bois, et simplement s’asseoir dans les 40 cm d’eau chaude des bassins d’accueil. L’essayer est vraiment l’adopter ! La neige abondante et les onsens vont de pair, si l’un vous courbature, l’autre vous remet à neuf, avec en prime une détente complète et gratuite.
Aller descendre les pentes du Japon est bien plus qu’un voyage de ski. C’est une immersion complète dans une autre culture qu’il fait du bien à découvrir pour ceux qui osent légèrement sortir des sentiers battus. La neige abondante est la principale raison de ce voyage, mais sûrement est-ce le pays tout entier qui saura vous charmer. Sayonara!
Just a few years ago, the idea of going skiing in Japan raised eyebrows among many alpine downhill enthusiasts. Far from the lucrative American or European markets, why fly over so many time zones and spend nearly 14 hours in flight to land on the densely populated Japanese archipelago? The answer: abundant and exceptionally light snow.
Japan is perhaps the urbanized country where it snows the most on the planet. A few snowflakes falling in Tokyo will nearly paralyze the city, while just 200 kilometres away, in the surrounding mountains, the snow can reach up to 15 metres between December and April.
The phenomenon behind this impressive snow accumulation is the result of an almost perfect atmospheric and geographic configuration. First, the high-altitude jet stream that meanders through the northern part of the globe cools considerably when it travels over Siberia, then it plunges abruptly southeast towards the Sea of Japan. Swelling with humidity as it passes this immense body of water, it then hits the natural barrier of Japan’s mountains that rise perpendicular to the prevailing winds. The clouds trapped behind the mountain range discharge their precious load of snowflakes at a rate that reminds us of the most beautiful childhood stories.
Another distinctive feature of this meteorological phenomenon is the nearly hourly change in atmospheric conditions. From heavy snow to sudden calm, followed by a brief appearance of the sun before the storm returns. When considering a ski trip to Japan, you should be aware that blizzards will be part of your experience on the slopes in the land of the rising sun.
Ironically, a tragedy is partly responsible for the Japanese skiing adventure. In the early 1900s, fear of conflict with neighbouring Russia forced Japanese troops to train in the alpine region. Some 210 soldiers were sent to train in the Hakkoda Mountains in the northern part of the main island. During the journey, freezing temperatures, strong winds and metres of snow descended upon the men. Only 11 of them, who had fled from the brigade’s authority, survived the slaughter.
Following this sad event, Japanese military leaders summoned Europeans to come and teach them the art of skiing, greatly improving the army’s efficiency during winter travel.
After skiing’s introduction to Japan, its popularity grew steadily, eventually propelling the nation by the 1990s to a leading player in the international ski market. A financial collapse considerably slowed the momentum of the Japanese ski industry in the mid-1990s. Before this slowdown, over 500 ski resorts of all sizes had been opened, mainly in the northern part of the main island, Honshu, and in the prefecture of Hokkaido, which is also an island. As nearly two-thirds of Japan is covered by mountains, such a passion for skiing was only natural.
The industry is now recovering, mainly around mountains with a well-established reputation. The regions of Hakuba and Nozawa Onsen near the city of Nagano, and Niseko on Hokkaido, are certainly the biggest winners to emerge from this new frenzy. The renewed interest is, of course, due to the exponentially growing Asian tourism sector, but also to the off-piste skiing niche that North Americans and Europeans are so fond of.
For a long time, Japanese ski resorts prohibited skiing off-trail, to the point of using video surveillance to spy on the skiers. Fortunately, this era is now over, and the ski resorts that have done the best in recent years are the ones that have quickly let skiers enjoy the inviting open forests characterizing much of the mountain landscape.
Gliding silently on this mythical light snow, under huge hundred-year-old birch trees, their branches covered with a thick white coat, provides an overwhelming feeling that is hard to describe and will leave a lasting impression. The motivation for a ski trip to Japan certainly lies in this type of terrain often found just beyond the marked trails.
Of course, the appeal of this mesmerizing snow is the very essence of a trip to Japan. But once back from your trip, you may find yourself talking more about the kindness that is so characteristic of the Japanese; about the cleanliness and structure of this society with such ancient origins, but also with such an eagerness to embrace new technology. You cannot ignore the silence and calm that prevail in the daily life of the country’s large cities, or the brightly coloured posters that occupy the fronts of city buildings.
Gastronomy is also a guilty pleasure in this country. If sushi is the first dish that comes to mind when you think of Japan, once you get there, you will discover a world of unsuspected culinary creations. The thousands of tiny restaurants, sometimes consisting of only four or five seats nestled on a street corner, will satisfy even the most demanding palate. Since Japanese-only menus can be difficult to decipher, many restaurants will display plastic dishes that are visually identical to those served to the customer. This technique of visual appeal will make your mouth water by offering a perfect image of the dish that you will be served.
Finally, neglecting to write about the onsens, the hot spring baths the Japanese are so fond of, would be a serious mistake. As Japan sits on the interface of several tectonic plates, seismic activity is common. Stemming from this activity, warm water, to which the Japanese accredit healing properties, gushes to the surface. Whether at the bottom of a valley or channelled into a property, this naturally hot water is ideal for a relaxing moment treasured by islanders since time immemorial.
The use of these baths is divided male/female for a simple reason; you can relax naked! The prudishness, mainly North American, makes many visitors reluctant to indulge in this exceptional relaxation. The instructions are very simple; leave your clothes in a dedicated changing room, shower while seated on a small wooden bench, then simply sit in the 40Â cm of hot water in the baths. Try it, you will embrace it! Heavy snow and onsens go hand in hand, if one makes you sore, the other restores you, with the added benefit of complete relaxation.
Hitting the slopes of Japan is much more than a ski trip. For those who dare to venture off the beaten path, it’s a complete immersion in another culture that is well worth discovering. Heavy snow is the main reason for the trip, but surely, it’s the entire country that will delight you. Sayonara!
Excerpted from Vie en montagne, winter 2020.